Lot-et-Garonne. Interview avec le PDG du groupe De Sangosse, leader mondial du biocontrôle
Publié le 07/11/2019 à 9h02. Mis à jour à 9h15 par Propos recueillis par Bastien Souperbie.
Nicolas FILLON – PDG du Groupe DE SANGOSSE depuis 2009
Dans un contexte où l’agrochimie est pointée du doigt, le groupe De Sangosse tire son épingle du jeu grâce à une stratégie dévolue aux bio solutions. Nicolas Fillon, son PDG, s’en explique.
De Sangosse en chiffres :
- 840 employés dont 550 en France et 200 à Pont-du-Casse
- 9 laboratoires de Recherche & Développement spécialisés dans le monde dont 5 en France (Pont du Casse, Toulouse, Labège, Lyon)
- 18 unités de production dans le monde (Etats-Unis, Brésil, Argentine, Espagne) dont 9 en France (à Pont-du-Casse, Lavaur, Graulhet, Carbone, Ornézan, Compiègne)
- 280 millions de chiffre d’affaires
- 24 filiales implantées dans 16 pays
- Présence commerciale dans 55 pays
Le secteur de l’agrochimie est depuis déjà un certain temps sous le feu des critiques, en raison des atteintes à l’environnement et à la santé dont on l’accuse.
Le groupe De Sangosse basé à Pont-du-Casse a pris les devants voilà quinze ans en changeant de paradigme et de stratégie.
Les bio solutions au service de l’agriculture sont aujourd’hui son cœur de métier. Le PDG de ce fleuron du Lot-et-Garonne, leader mondial du biocontrôle, a bien voulu répondre aux questions de « Sud Ouest ».
Il y a dix ans, De Sangosse était essentiellement tourné vers le marché français. Aujourd’hui, deux tiers de son chiffre d’affaires est réalisé à l’export. Comment s’est opéré ce changement de paradigme ?
En 2009, l’entreprise réalisait moins de 20 % de son chiffre à l’international, soit environ 40 millions d’euros. Dix ans plus tard, il est de 170 millions.
L’environnement réglementaire français nous pousse à relever de nombreux défis. D’ailleurs, 9 % de notre chiffre d’affaires sont consacrés à la recherche et développement, ce qui en ratio est l’équivalent de ce qui se fait dans la tech.
Or, on considère chez De Sangosse que si l’on intéresse l’agriculteur français qui est un très bon technicien, contrairement à tout ce qu’on peut dire sur le sujet, on peut aussi naturellement intéresser l’agriculteur Européen de l’Est, Américain du Nord ou du Sud, d’Asie, d’Océanie ou d’Afrique.
Il y a aussi la question des marchés, qui sont aujourd’hui très globalisés, quelle que soit la culture, d’ailleurs. C’est grâce à la valeur ajoutée et la différenciation de notre offre, de nos atouts, que nous pourrons en faire des succès.
Enfin, il y a le coût du dossier d’homologation d’un nouveau produit qui s’élève régulièrement. Pour être florissante sur le long terme, De Sangosse, comme toute entreprise, a besoin de solutions commerciales durables.
Il est donc nécessaire pour amortir au mieux nos investissements d’assurer une mise en marché sur un périmètre géographique large. Cependant la France reste la clé de notre stratégie.
Pourquoi ?
Nous avons pris un tournant il y a quinze ans, en orientant notre stratégie vers les bio solutions au service de l’agriculture.
La pression environnementale en France est très forte sur l’agriculture, je ne vous apprends rien. Il faut être très réactif et relever des défis qu’impose le législateur.
Si on est bon en France, on est bon partout. C’est pour cela que notre volonté n’est pas de lever le pied en France. À l’inverse de notre chiffre d’affaires, les deux tiers de nos effectifs se trouvent en France ainsi que toute notre ressource en matière de recherche et développement.
On vend en Chine, mais on n’y produit rien. Ce n’est pas neutre. Il ne faut pas se mentir : la France est le pays idéal pour faire de l’innovation.
Ce n’est pas un hasard si des groupes étrangers viennent y travailler. Et c’est sans nul doute parce qu’on est en France, en cultivant un fort ancrage territorial, qu’on s’est hissé en position de leader sur le secteur du biocontrôle.
Les bio solutions, c’est donc l’avenir de De Sangosse dans un contexte où l’agrochimie est montrée du doigt ?
Ce n’est pas compliqué : on n’investit pas un euro ailleurs que dans ce domaine. Les bio solutions c’est aujourd’hui 80 % de notre activité.
On a converti nos segments historiques comme les anti-limaces en bio solutions. Comment ? En puisant dans les produits naturels, le phosphate de fer pour ce qui est de l’anti-limace par exemple, plutôt que de faire appel à la chimie conventionnelle.
Notre ambition est de proposer à l’agriculteur un ensemble de bio solutions pour chaque étape du cycle de la culture. Du sol (développement des micro-organismes, enracinement etc) à la récolte.
Il s’agit de développer une approche technique plus transversale où l’on peut combiner le meilleur des technologies et des solutions naturelles.
Maintenant, il faut être honnête : on ne peut pas, avec cette démarche, résoudre toutes les problématiques de l’agriculture. Du moins à ce jour.
Le bio contrôle représente 8 % du marché. Il pourrait atteindre 30 % en 2030. Et puis, il ne faut pas être binaire ou radical : je suis assez à l’aise pour dire que tout ce qui est bio contrôle n’est pas sans danger.
Une bactérie est naturelle et pourtant certaines sont dangereuses voire plus… La bouillie bordelaise ? Le cuivre, élément pourtant indispensable à la vie végétale, s’accumule dans les sols et finit par atteindre des teneurs toxiques pour l’écosystème.
À l’inverse, tout ce qui est chimie conventionnelle n’est pas forcément toujours dangereux. Il y a des nuances et il faut savoir raison garder en connaissance de cause. De même, De Sangosse ne travaille pas exclusivement pour l’agriculture bio mais avec l’ensemble des agriculteurs dans toute leur diversité.
Il paraît que nous n’avez pas de difficulté pour embaucher. C’est vrai ?
(Sourire) Cela m’embête de dire cela car c’est bateau, mais il faut apporter du sens. Notre projet d’entreprise est clairement défini et l’on s’y tient.
C’est une volonté réelle et partagée. Il y a une espèce de sérénité par rapport à cela. Le développement durable, l’innovation et les valeurs humaines sont les trois piliers de l’entreprise.
Il faut aussi rappeler que notre actionnariat est détenu pour 74 % par 600 de nos salariés qui sont donc au capital de l’entreprise.
Cela revient à dire qu’ils possèdent chacun une part de la table autour de laquelle ils se réunissent. Notre modèle, qui date de 1989, est donc impliquant.
C’est une aventure humaine et professionnelle exceptionnelle. On partage beaucoup d’informations lors de réunions de proximité si bien que chaque salarié dispose d’une culture économique qui lui permet de comprendre les enjeux de l’entreprise.
Il y a un fort sentiment d’appartenance. Nous avons des gens qui avaient des carrières toutes tracées dans des grands groupes et qui sont venus nous rejoindre.
Agen ou Carbone, cela ne les a pas freinés. Et nous concernant, nous projetons encore des pistes d’améliorations des conditions de vie au sein de l’entreprise parce que l’humain est une vraie richesse.